Texte de présentation Le Pont (De Brug en néerlandais, Die Brücke en allemand) renvoie directement au groupe expressionniste allemand ayant regroupé les peintres Kirchner et Nolde et se basant sur les primats de la violence urbaine et technologique. On connaît leur influence sur le cinéma expressionniste allemand, force est de constater que le cinéma d’Ivens en est également imprégné, consciemment ou pas. La caméra filme la vitesse et les rugissements des trains à vapeur s’engouffrant entre les arches du pont et laissant traîner des volutes poudreuses de fumée sur la voie. Entre l’ode à la technicité et l’avertissement prophétique d’une effrayante prise de pouvoir de la machine, on ne sait pas quelle interprétation préférer. L’effroi est palpable quand le pont monstrueux ouvre grand sa gueule, dans un déluge de mécanismes rugissants, afin de laisser passer un navire entre ses flancs. Les hommes sont eux aussi réduits à des gestes automatisés, entre les postiers embarqués dans les trains (au passage, notons la proximité avec l’école anglaise de John Grierson et son Night Mail de 1936) ou les ouvriers gérant les impulsions du pont. « Ivens, ordonnateur de toute une orchestration, m’apparaît comme l’un des musiciens visuels de l’avenir » a déclaré Germaine Dulac après avoir vu ce court-métrage, en mettant l’accent sur le rythme et l’agencement d’un montage très rapide et syncopé. Source : Emmanuel Didier / Critikat